Le story-acting grâce à la VR 360° pour augmenter l’attention des spectateurs

webxr-interaction

Fin 2016, mon équipe a développé un premier jeu immersif basé sur des interactions dans des vidéos en 360° (et en WebVR, pour être plus précis) pour un client dans le tourisme. Ce jeu « Facebook connecté » était accessible par une simple URL sur son PC, tablette ou mobile avec ou sans casque VR (réalité virtuelle). L’accueil des utilisateurs (6 000 environs) a été très bon, et nous avons beaucoup appris par ce biais.
Nous pensons qu’il y a un tout un champ exploratoire à investiguer… Et c’est ce que nous faisons chez WideWebVR à travers le concept de story-acting que nous développons.

Faisons un pas de côté pour délimiter le cadre et réfléchir sur quelques définitions et concepts qui nous paraissent clés quand on parle des bonnes expériences VR 360° : l’immersion, l’attention, les interactions, et le story-acting.

D’une expérience sur un écran 2D à une immersion en 360°

Qu’apporte de plus la VR 360° par rapport à la 2D pour le spectateur ?
Débat certes un brin obsolète mais remis au goût du jour avec la VR. Alors résumons-le en un mot clé : l’Immersion. On est “immergé” dans une vidéo 360°, alors que l’on “regarde” une vidéo 2D.

Au sens de la définition qu’en donnait Staffan Björk et Jussi Holopainen, il est tout à fait vrai que même en 2D (livre ou film par exemple), « l’immersion émotionnelle » (appelée aussi narrative selon Ernest Adams) existe : c’est cette sensation d’être emporté par l’histoire.
L’apport de la VR 360° réside dans ce que Staffan Björk et Jussi Holopainen définissaient comme « l’immersion spatiale ». Lors d’une expérience VR 360°, notre cerveau se met à croire à ce qu’il voit et l’on peut alors avoir le sentiment d’être là-bas…

A ce stade, nous pouvons aisément dire que l’immersion dans une expérience en 360° a deux conséquences immédiates :

1/ La sensation de présence (que l’on vient d’évoquer) qui va souvent de pair avec l’essor des émotions. Gabor Arora parle du “pouvoir d’être présent” («the power of being here»).

Immersion et story-acting

L’impact émotionnel fait d’ailleurs souvent naître l’empathie. Voyez ici un exemple d’utilisation de vidéo 360° par Amnesty International pour mieux comprendre cette notion de “Présence”

2/ L’immersion entraîne la « captivité » du spectateur  qui se retrouve 100% focus sur l’expérience, car non distrait par l’environnement extérieur (pas de notification, d’email, etc…).

De l’immersion à l’attention

La combinaison de la sensation de présence mêlée à la «captivité » du spectateur mène-t-elle forcément à l’accroissement de l’attention du spectateur dans l’expérience VR 360° ? Et si oui, sur combien de temps ?

Pourquoi est-ce un débat ? Aujourd’hui, l’attention est clé dans de nombreux contextes : déficit général de l’attention des enfants dans la société, déficit d’attention des internautes surchargés d’informations, etc.

« Attention is the new oil » comme le dit Luciana Carvalho Se (VR expert), encore faut-il réussir à véritablement capter l’attention du spectateur et non juste le « mettre en situation de captivité ».

A ce stade, peu de gens ont des inputs clairs sur la question de l’attention en VR. Il faut alors se pencher sur les quelques travaux existants (il y en a bien sûr quand même) et également sur les théories du secteur du monde du gaming 2D, riches d’enseignements.

En ce qui concerne WideWebVR, nous souhaitons partager nos constats et nos sentiments. Depuis son commencement, notre projet questionne : l’outil qu’est la VR 360°, le fonctionnement de notre extraordinaire cerveau, la nouvelle grammaire des interactions à construire dans un écran sphérique. Nous nous voyons d’ailleurs nous-même comme un petit maillon de la chaine, qui avance en partenariat avec des laboratoires de recherche et autres experts venants de plusieurs horizons pour apporter des solutions plus simples et utilisables.

 

L’immersion via la VR 360° peut accroître l’attention mais, à mon sens, il faut alors réunir 3 ingrédients :

1/ La qualité de l’expérience : à minima la vision et le son panoramique car sans cela, la présence ne fonctionnera pas (il peut être adjoint des éléments haptiques (toucher) ou l’odorat…

2/ La motivation : créer l’envie de regarder, de jouer, d’interagir, chez le spectateur pour faire naître et maintenir son attention. L’idée, ici, est de montrer des perspectives aux spectateurs à court et moyen terme (voir par exemple les travaux de Celia Hodent sur la motivation dans le gaming notamment).

3/ Si les 2 premiers ingrédients sont réunis alors ne manquent plus que les interactions pour pouvoir créer une expérience immersive qui accroissent réellement l’attention.

Nous reviendrons sur le sujet des interactions mais une question se pose d’emblée : comment mesurer l’attention ?

“L’engagement” comme mesure de l’attention à court terme

Qu’entendons-nous par engagement ? On considère “un engagement” comme une action effectuée sur le moment : l’expression d’une volonté ou d’un choix comme la réponse à un quizz, mais aussi un clic, un « like », un partage, une mise en panier….En immersion, il peut également s’agir d’un engagement induit ou non conscient, par exemple le temps passé sur un élément visuel (insight que l’on peut tracker). Nous nous plaçons donc sur le terrain du moteur, du cognitif et aussi du sensoriel.

Peut on mesurer l’attention à plus long terme par la mémorisation ?
On peut définir la mémoire comme étant « la rétention de l’information acquise ».  Certaines formes de mémoire sont plus durables que d’autres car toutes les informations ne font pas l’objet d’un stockage à long terme. L’expérience VR 360° (interactive de surcroît) tire profit de la puissance immersive de l’environnement 360° pour permettre une focalisation attentionnelle au moment de l’encodage de l’information, améliorant ainsi la mémorisation de long terme.

Les interactions : le spectateur devient acteur 

Certains avancent aujourd’hui que toute expérience VR est par nature interactive car le spectateur regarde où il le souhaite. Certes, le spectateur peut choisir son point de vue. Mais sans interaction, il n’appartient pas à l’action. Il n’a pas d’impact ce qu’il voit et la suite de son expérience. Son chemin est en quelque sorte prédéterminé et inaltérable.

interactions et story-acting

Qu’est ce qu’une interaction ?

De nombreux types d’interactions existent en VR 360° et d’autres sont encore à inventer, nous n’allons pas en faire la liste, ni parler du « comment » interagir techniquement (gaze, clic, ..) ici, mais, voici plutôt parler des éléments narratifs qui nous semblent clés et du concept de story-acting qui nous semble clé.

 

Une interaction poussée doit-elle nécessairement avoir un impact sur le scénario et influencer son devenir ?

Une interaction peut avoir 2 conséquences sur la suite de l’expérience:

1/ Ne pas changer le scénario

2/ Modifier le scénario

1/ Si elle ne change pas le scénario, elle peut quand même donner des informations supplémentaires à l’utilisateur (via des hotspots par exemple), on pourrait parler ici de réalité virtuelle “augmentée” car on peut y retrouver des similarités avec l’AR dans sa capacité à enrichir le champ de vision par des informations supplémentaires.
L’on peut aussi imaginer devoir répondre à un jeu de type quizz qui peut générer un score par exemple. Et là, nouvelle question : une interaction doit-elle générer des données ? Il pourrait s’agir par exemple d’une vue dans le jeu destinée à l’utilisateur, avec effet « rewarding » s’affichant en direct (court terme), et/ou ensuite analysées en aval au niveau macro par le créateur (long terme).

2/ Elle change le scénario. Elle peut se réduire à une navigation laissant le choix à la personne de créer son chemin à la google streetview (téléportation). Si l’on complexifie un peu, on peut dire que les interactions peuvent se faire de façon consciente ou inconsciente (en fonction de ce que l’on regarde par exemple, le scénario change); ou encore l’interaction est prise en compte, mais ne fait que retarder l’action principale que le réalisateur veut « absolument » vous faire vivre (via une analyse en direct par l’application de l’action regardée par le spectateur).
Il à noter que les interactions qui changent le scénario peuvent aussi être combinées avec les éléments cités au point 1.

La vraie question n’est-elle pas l’objectif et le message visés ?

Cela peut être du pur entertainment (gaming), où on va aller chercher d’abord de l’engagement. Ou encore, dans un autre contexte tel que l’éducation et la communication, où l’objectif sera plus complexe. Il faudra alors mêler le message et l’entertainment pour associer engagement et mémorisation de long terme.

Les aspects narratifs d’une expérience paraissent donc essentiels à la bonne compréhension de l’ensemble. La difficulté est bien de mêler narration et interaction, sans oublier de définir quelle place le scénariste doit donner à l’utilisateur. Redonner la main au spectateur, c’est ce que nous appelons le story-acting.

Dans l’univers EdTech, cet enchainement aurait comme objectif la transmission d’un savoir, d’un savoir-faire ou d’un savoir-être. Il devrait aussi répondre et lutter contre les 2 écueils aujourd’hui très clairement identifiés : l’abandon (et en corollaire, l’engagement de l’apprenant) et la capacité à mémoriser la matière transmise.

Nous savons déjà que la qualité des enchaînements des interactions, devant mêler des gains rapides (quick wins, petits succès d’estime) et gains sur le plus long terme, permet de conserver un engagement et une motivation du spectateur sur la durée.

Notre conviction :

L’interactivité doit être suggérée “au bon niveau”, sans surcharge d’informations et le plus naturellement possible. La richesse de l’interaction réside ainsi dans ce que l’on ne voit pas, dans sa simplicité apparente pour l’utilisateur (ce qui constitue en réalité un traitement de l’information d’une grande complexité). Nous évoquons souvent le terme d’interaction bio-inspirée, c’est à dire naturelle et intuitive .

Pour motiver les spectateurs à agir sans leur forcer la main – autrement dit, avec des “interactions naturelles” -, nous pensons qu’il faut insister sur un story-acting qui explique, suggère sans dénaturer et motive finement le spectateur à interagir avec ce qu’il voit .

Let’s think outside the sphere !

 

Benjamin Atlani, CEO WideWebVR